L’affaiblissement des prérogatives de la Cour administrative par le biais d’un projet de modification de la loi électorale.
Genève, le 22 septembre 2024
Dans une démarche surprenante et alarmante, un groupe parlementaire proche du président tunisien sortant, Kais Saied, a présenté un projet de loi organique visant à modifier certains articles de la loi organique n°16 du 16 mai 2014 relative aux élections et aux référendums, accompagné d’une demande d’examen en urgence. Cette initiative parlementaire intervient à peine deux semaines avant la date du scrutin présidentiel fixé au dimanche 6 octobre 2024, dans un climat électoral biaisé où l’instance électorale désignée a persisté à exclure trois candidats pourtant inscrits sur la liste définitive des élections présidentielles par décision de l’assemblée générale de la Cour administrative.
Outre le fait que modifier la loi électorale à moins d’un an des élections est contraire à l’éthique et à la légalité, le projet de loi proposé déposséderait la juridiction administrative de sa compétence exclusive en matière de litiges électoraux pour la transférer à la Cour d’appel du judiciaire ordinaire. Si les autorités et leurs alliés parlementaires parviennent à neutraliser l’un des derniers remparts de la justice indépendante par cette modification, l’instance électorale échapperait ainsi au contrôle juridictionnel de la Cour administrative, évitant de fait le jugement attendu invalidant les élections en raison de son insistance à exclure les candidats Abdellatif Mekki, Imed Daimi et Mondher Zenaidi. Transférer les prérogatives des litiges électoraux à une juridiction judiciaire soumise à l’exécutif ouvre la voie à une manipulation des résultats électoraux.
L’Association des Victimes de la Torture condamne fermement cette dérive grave et sans précédent qui sape ce qui reste de la crédibilité du processus électoral. Elle met en garde, pour la troisième fois, l’instance électorale désignée, quant à son devoir d’impartialité, et l’appelle à s’opposer à ce projet, qui constitue une atteinte intégrale à l’intégrité du processus électoral. Par ailleurs, elle avertit les autorités du coup d’État en Tunisie des graves conséquences juridiques de leurs actions portant atteinte aux droits civils et politiques des Tunisiennes et Tunisiens, garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l’État tunisien. Enfin, elle rappelle que les sanctions pour leurs crimes ne seront pas prescrites et que nul n’échappera à la justice.
Président de l’Association
Abdennacer Nait-Liman